Tradition orale, Charrelle Tété Hounvo, comédienne conteuse Béninoise, « Le conte est une force, une puissance, un pouvoir »

Dans le cadre du lancement officiel de la caravane « Voix de femmes », quatre conteuses africaines venues du Benin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire et du Togo, ont tenu en haleine le mercredi 3 septembre dernier, au bar-restaurant Star-Bus, le nombreux public venu apprécier leurs talents de comédiennes conteuses. Cette caravane qui continuera son chemin au Benin, au Mali, au Burkina-Faso et en Côte d’Ivoire, vise, selon les initiatrices, à faire redorer au conte son blason d’antan, quelque peu terni par l’avancée vertigineuse des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. A la fin du spectacle, nous avons approché Charrelle Tété Hounvo, comédienne conteuse béninoise, elle nous a livré ses impressions sur le conte et son avenir. Lecture

Vous êtes Charrelle Tété Hounvo, conteuse béninoise, responsable des femmes conteuses de l’Association Katoulati du Benin, dites nous Madame, ce que représente pour vous le conte.

Le conte, c’est une force, une puissance, un pouvoir. Par le conte, nous pouvons faire beaucoup de choses, le conte c’est la parole. Nous les humains, nous avons un pouvoir qui est la parole. La parole permet de construire, la parole permet de détruire, la parole permet de provoquer, la parole permet d’apaiser. Elle permet de faire voyager les gens. Avec le conte, tu peux amener quelqu’un dans un village, dans un lieu qui a existé il y a des siècles. Cette personne va voir ce lieu, va vivre dans ce lieu sans qu’elle ne voit les images réelles comme dans le film, c’est cela la force du conte.

On a l’impression qu’aujourd’hui le conte n’a plus sa valeur d’antan, à quoi ce phénomène est-il  dû ?

La perte de la valeur du conte est due à l’internet, à la télévision. Nous, quand nous étions des enfants, on n’avait pas de télévision à la maison et les soirs ma grand-mère nous racontait des histoires. On écoutait bien ces histoires, on n’avait pas besoin d’aller regarder la télévision chez les voisins. Pour nous les histoires étaient plus importantes. J’ai gardé ces histoires jusqu’aujourd’hui. Nous sommes conscientes que le conte court vers la dérive, c’est pour cette raison que nous les femmes nous nous sommes mises ensembles, pour imposer le conte, pour rappeler aux autres, qu’il ya quelque chose qui s’appelle le conte, qui fait partie de notre culture et qui éduque.395027_115990005186558_1953027209_n

Pensez-vous que cette lutte noble que vous menez pour redorer le blason du conte porte ses fruits chez vous au Benin ?

Si ! c’est vrai que ce n’est pas ce qu’on aurait voulu, mais depuis un temps, çà a pris. Avant, on allait dans les écoles, on demandait aux directeurs de nous permettre de raconter des histoires aux élèves, il y en a qui nous renvoyaient des écoles. Mais aujourd’hui, c’est eux-mêmes qui nous appellent. Avant, on racontait gratuitement, aujourd’hui, on prend de l’argent.

L’espoir est-il permis qu’un jour le conte retrouvera sa place dans la société africaine ?

L’espoir est permis, mais il nous revient à nous, conteurs et artistes et ceux qui ne sont pas dans le domaine artistique de travailler pour que le conte revienne, que les générations futures puissent bénéficier de ce don, de ce pouvoir, de cette puissance que le conte a.